Pierre et Maria Sire Biographie

Sire Pierre (Coursan 1890- Carcassonne 1945)

Sire Maria née Nouguès ( Montredon 1897 – Carcassonne 1960).

Pierre Sire issu d’une modeste famille de vignerons de Coursan, fait ses études à l’Ecole Normale de Carcassonne, et parallèlement joue au rugby comme ¾ aile de la première AS Carcassonnaise , il devient instituteur en 1911.

Le 1er novembre 1913, Pierre Sire est mis à la disposition du Ministère des Affaires Etrangères et obtient un détachement au Collège Français de Madrid, pour une durée de cinq ans, en remplacement de Jean Camp.

Hélas, son séjour à Madrid sera de courte durée car il est mobilisé le 4 août 1914 au 122ième Régiment d’Infanterie et blessé le 22 août 1914 à Lunéville. Cité à l’ordre de la Division et décoré de la Croix de guerre le 23 décembre 1915, il est fait prisonnier le 8 août 1916.

Maria Nouguès , fille de Antoine Nouguès, directeur de l’école de Coursan et de Corantine Stüblein, institutrice. Elle est la petite-fille d’ Eugène Stüblein, instituteur et météorologiste.

Elle suit donc naturellement la tradition familiale en devenant pensionnaire à l’Ecole Primaire Supérieure de Limoux , puis à l’Ecole Normale d’Institutrices de Carcassonne.

Le 1er octobre 1916, Maria Nouguès est nommée  institutrice à l’école primaire publique de Dernacueillette, puis en janvier 1919 à Coursan.

Très jeunes, Pierre et Maria Sire furent attirés par la vie intellectuelle : Maria composant des poèmes, Pierre fondant, au sortir de l’adolescence l’éphémère « Cri de St Pierre » avec son ami Jean Camp.

Le 2 août 1919, Maria épouse Pierre Sire . En octobre 1919, ils sont nommés à Port la Nouvelle, puis à Caillau (en 1924) où ils rencontrent le peintre Achille Laugé. Ensuite, en 1934, P. Sire sera nommé professeur de 7ième au Petit Lycée de Carcassonne, tandis que Maria Sire est nommée à l’école de la Cité.Le 10 juillet 1937, elle devient Officière d'Académie. Le premier octobre 1941, elle est nommée directrice de l’Ecole d’application de l’Ecole Normale de Jeunes Filles à la Cité.

La dimension professionnelle de l’enseignement structurera profondément leur expérience commune de vie. Elle n’en épuise cependant pas toute la richesse: réelle « curiosité ethnographique » à ce qui les entoure comme l’indique leur participation à la création de la revue Folklore en 1938.

Engagement ferme du coté de l’humanisme militant, comme en témoigne le soutien de Pierre Sire aux républicains espagnols ou encore sa participation à la résistance contre l’occupant qui se prolongera par la création du Comité des Intellectuels de l’Aude à la Libération.

Leur histoire commune s’enrichira encore vers 1928. En effet, grâce à leur ami L. C. Estève, Pierre et Maria Sire rencontrent Joë Bousquet. Ce « poète blessé » est au centre d’un groupe de pensée et d’écriture si vivant et si neuf à Carcassonne à partir des années 1930. Ainsi les Sire rencontrent F. Alquié, R. Nelli et Jean Ballard directeur des Cahiers du Sud. S’instaure alors une étroite collaboration qui allait culminer dans la parution d’un N° spécial des Cahiers du Sud : Le Génie d’Oc et l’Homme Méditerranéen.

Dés lors, chaque année au mois de juillet de 1932 à 1940, l’équipe des Cahiers du Sud rejoint Carcassonne, loge chez les Sire dans leur « maison spacieuse, imprévue et profonde »(J. Bousquet : « Soirée Languedocienne ») dans la Cité en face du château comtal.

En cette période estivale, Joë Bousquet revenait tout spécialement de Vilalier et tous se retrouvaient pour d’intenses et interminables conversations. Cette « floraison de l’esprit comme on en vit sous la Renaissance » (J. Ballard) s’exprimait collectivement aussi bien qu’individuellement….

Ce fut le cas pour les Sire dont l’individualité fut doublement singulière. En effet « Pierre et Maria Sire » a été pendant vingt ans l’unique signature de ces deux écrivains. Cette signature, si originale, nous confronte à ce grand et rare mystère qu’est celui de l’unité-dualité des Sire : communion de vie, communion de création, communion de signature, communion de regard…

Cette signature, nous la retrouvons à la fin de trois romans : « L’homme à la poupée » 1931, « Le Clamadou » 1935 (réédition en 2006 par le Garae-Hésiode et le Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée) et « Marthe et le village » écrit avant guerre et paru en 1955.

Ces romans conduisent l’analyse psychologique d’une crise personnelle sur un fond de réalisme rural finement observé, aux antipodes de la nostalgie régionaliste et félibréenne.

Et sans doute, la singularité de cette analyse n’est elle que le reflet de la singularité de la signature.

Oui, après tout, le seul point qui compte peut-être, c’est que Pierre et Maria continuent à nous parler par leur œuvre d’une seule et même voix, qu’ils restent doublement les chercheurs et les témoins non pas de la vérité d’un homme et de celle d’une femme, mais tout simplement de la vérité humaine qui, si elle devait être imagée, pourrait ressembler aux deux médaillons réunis sur la stèle du Jardin* Pierre et Maria SIRE qui leur est dédié à tous deux et qui demeure à jamais un trait d’union vivant entre la Cité et la bastide St Louis de Carcassonne, entre le Languedoc et le Monde…

 

Jean-Yves et Sylvie David.

 

« Pierre et Maria Sire » fut pendant vingt ans l’unique signature de ces deux écrivains dont nous retiendrons trois romans : «  L’homme à la poupée » 1931, « Le Clamadou » 1935 ( réédition en 2006 par le Garae Hésiode et le Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée) « Marthe et le village » en 1955. Ces romans conduisent l’analyse psychologique d’une crise personnelle sur un fond de réalisme rural finement observé, aux antipodes de la nostalgie régionaliste et félibréenne. Car les Sire appartinrent très tôt, par leur attachement à Claude Louis Estève, Joë Bousquet, René Nelli ou Ferdinand Alquié, à ce monde de la pensée et de l’écriture si vivant et si neuf dans le Carcassonne des années 1920-1950. Aussi les retrouvons-nous au cœur de toutes les entreprises communes : « Les amis de Montségur » qui restaurent vers 1935 un catharisme philosophique et imaginaire, le groupe qui fonde en 1938 « Folklore », la revue d’ethnographie, celui qui en pleine guerre, rédige pour les Cahiers du Sud, « Le Génie d’Oc et l’homme méditerranéen » (1943). On montait chez les Sire pour se retrouver dans leur maison, au cœur de la Cité, qui fait face au château Comtal.

 

CITATIONS


Ce regard qui ne s’éteignit pas brusquement, puisque maintenu, prolongé, par celui de Maria dont Claire CHARLES-GENIAUX disait que « sa sensibilité frémissante s’exprimait à travers ses yeux lumineux et tendres, son sourire enfantin… »

Et nous voici à nouveau confrontés à ce grand et rare mystère qu’est celui de l’unité – dualité – des Sire : communion de vie, communion de création, communion de signature, communion de regard…

Et osons la question : Le mystère de l’œuvre de Pierre et Maria, inclassable aux yeux de René NELLI, Jean LEBREAU, Jean CAMP, Ferdinand ALQUIE et bien d’autres, ne renvoie-t-il pas au mystère plus profond des conditions singulières, voire uniques de son élaboration que les mêmes n’essayèrent pas de cerner mais plutôt de deviner… ?

« Pierre Sire maniait un langage dépouillé de l’extrême, qui suivait cependant les sinuosités les plus rares, par où le ciel se confond à la terre. Sans doute parce qu’il écrivait ses livres en collaboration avec Maria SIRE, sa femme (et bien que je n’aie jamais su distinguer ce qui appartenait à l’un ou à l’autre dans l’œuvre achevée, tellement ces deux âmes n’en faisaient qu’une), les personnages qu’il a créés, semblent vivre d’une double vie qui se poursuit tout le long de leur histoire.

Ils portent dans « L’Homme à la Poupée », dans le Clamadou », un signe de fatalité, un air de mystère, un secret de poésie terrestre, qui fait contraste avec la nature sobre parfois rude, où leur existence idéale s’insère dans son cadre réel : ils sont deux fois humains : en eux-mêmes et à la grande clarté de la nature. »

René NELLI


« Il s’était fait entre eux une transmission d’images, d’impressions, de pensées. Chacun déposait un peu de sa substance d’âme dans l’âme de l’autre, en quantité suffisante pour produire des vibrations communes. Donc, parler aujourd’hui de Pierre, c’est parler de Maria, car on ne peut les séparer.

Charles GENIAUX

 

« Maria SIRE, en qui se conserve la moitié de l’âme de Pierre et de son beau talent… 

René NELLI


« Pierre s’en est allé le premier , vers on ne sait quelle métamorphose, tandis que Maria le cherchait vainement partout, si elle ne le retrouvait, éternisé en elle, par la force de son amour. »

Claire CHARLES-GENIAUX

 

TEXTE DE JEAN CAMP


Pierre et Maria SIRE

« Ni l’un, ni l’autre ne pensa jamais faire œuvre personnelle d’écrivain. Ils élaboraient ensemble le moindre projet de poème, la trame d’un roman, la ligne d’une action scénique, les polissaient au fil des jour, se communiquaient sans cesse les pages qu’ils venaient d’écrire et n‘imaginaient pas une seconde qu’on put dissocier cette signature qui persista même au-delà du tombeau, de Pierre et Maria SIRE. (….)

Il est vain de rechercher quelle a été la part de Pierre et celle de Maria dans l’élaboration de l’œuvre commune.

L’un plus romantique peut-être, plus attaché au pittoresque local, l’autre, plus pénétrante, plus profonde, plus pudique aussi malgré ce goût d’aller très avant dans la connaissance des êtres et des choses.

Mais l’un et l’autre mesurés, sensibles, mettant très haut l’art d’écrire qu’ils voulaient dépouillé de tous les accessoires qui ne servent qu’à masquer la vérité humaine, le seul point qui compte après tout… »

Jean CAMP.